François Hollande étant pour quelques jours de vacances « à la Lanterne » (comme les aristos du chant révolutionnaire !) Jean-Marc Ayrault assume les pouvoirs suprêmes du pays pour un CDD d’une bonne semaine et Matignon nous informe que le Premier ministre va profiter de cet intérim pour avoir « un moment de réflexion collective et concrète sur la France de 2025 » (sic !) Que le Premier ministre réfléchisse est une bonne chose, que cette réflexion soit « collective et concrète » aussi et il n’est pas absurde qu’il pense à l’avenir. Cela dit, on s’étonne tout de même qu’après des années d’opposition pendant lesquelles il aurait pu réfléchir à la situation du pays et à quelques réformes à faire, il ait fallu attendre quinze mois de pouvoir pour que le Premier ministre se mette à gamberger. Et étant donné l’état de la France aujourd’hui, on préférerait que nos dirigeants se préoccupent de la France de 2013 plutôt que de celle de 2025 car, bien sûr, personne n’a la moindre idée de ce que pourront être la France, l’Europe et la planète dans douze ans. Tout cela sent épouvantablement… le pipeau. Avec qui Ayrault va-t-il mener cette réflexion collective et concrète ? Aujourd’hui, avec des adolescents, demain, avec des ouvriers travaillant de nuit, mercredi avec un grand philosophe. Comme diraient, sans doute, ces adolescents en question : « Plus démago, tu meurs ». Matignon précise que les jeunes pubères que va rencontrer le Premier ministre « ont une liberté de ton utile à l’imagination requise pour se projeter dans l’avenir ». De qui se moque-t-on ? Quand on connait le niveau moyen de nos collégiens et de nos lycéens, on imagine sans peine ce que sera la conversation, à moins, peut-être, que n’aient été conviés que les meilleurs sujets d’Henri IV et de Louis-le-Grand. Les adolescents d’aujourd’hui ont, certes, une grande « liberté de ton » mais ils ont surtout des angoisses pour leur avenir et se posent désespérément des questions quand ils voient les adultes au chômage, les usines fermer, qu’on leur annonce qu’ils auront à payer les dettes que nous allons leur léguer et que « les grands » passent leur temps à décrier le pays et à briser une société qui valait ce qu’elle valait mais qui était basée sur la famille et la Nation, pas sur le mariage des homosexuels ou le droit de vote accordé aux étrangers. Ce qu’ils veulent, ces adolescents, c’est qu’on leur donne des réponses, qu’on leur dise vers où nous allons, quel avenir ils peuvent espérer, comment la France va surnager, pas qu’on leur demande d’avoir de l’imagination à la place des « élites », des responsables, des gouvernants. Faut-il que ce gouvernement soit à court d’idées, sans imagination, sans volonté, « à la ramasse », comme disent justement les jeunes, pour qu’il en soit réduit à demander à des gosses de lui proposer des solutions pour l’avenir du pays ! Et demain, le même Ayrault se réveillera avant l’aube pour aller rendre visite, à 5 heures du matin, aux ouvriers qui travaillent sur le chantier du tramway Chatillon-Viroflay. Pour quoi faire ? Pour parler avec eux de la pénibilité du travail. Là encore, c’est stupéfiant. Un Premier ministre qui a besoin d’aller sur place pour savoir si poser des rails la nuit est une partie de plaisir ou un travail pénible doit évidemment être renvoyé au plus tôt à ses chères études et être remplacé par quelqu’un de compétent. Pour faire bonne mesure et toujours pour réfléchir collectivement et concrètement, Ayrault recevra mercredi le philosophe Marcel Gauchet. De 9 heures à midi. Autant dire que le patron de la revue « Le débat » va être prié de donner une longue leçon de philosophe élémentaire au petit prof d’allemand. Ayrault ignore sans doute que Gauchet, après avoir été très à gauche, est désormais à la tête du Centre de recherches politiques Raymond Aron ce qui lui vaut d’être souvent considéré comme « un nouveau réactionnaire ». Tout cela est ridicule. Au lieu de rencontrer des gamins pour « faire jeune », des ouvriers pour « faire peuple » et un grand philosophe pour avoir l’air d’un intellectuel, le Premier ministre ferait mieux de s’entretenir avec des chefs d’entreprise pour parler de l’effondrement de notre économie, de la perte de notre compétitivité, de l’emploi, des charges, de la formation.