C’était une promesse de campagne de François Hollande. « L’Elysée ne commandera plus de sondages », jurait le candidat du PS le 15 avril dans « le JDD », bien décidé à rompre avec la boulimie de son prédécesseur, épinglée plusieurs fois par la Cour des comptes. Exit, donc, les spin doctors et autres gourous de la com qui entouraient Nicolas Sarkozy. Exit, surtout, les conventions opaques négociées par l’Elysée avec des intervenants extérieurs, dont le contrat de près de 1,5 M€ conclu en catimini et sans appel d’offres en 2007 avec le cabinet Publifact de Patrick Buisson. Désormais, c’est Aquilino Morelle, conseiller politique de François Hollande, qui décortique les sondages, réunissant parfois, à titre gracieux, quelques sondeurs en vue de la place de Paris. « On ne gouverne pas l’œil rivé dessus », soutient un proche de Hollande.
Pas de post-test après l’intervention de dimanche
Oui, mais voilà, depuis l’été, les courbes de popularité du président ont brutalement chuté. Et l’état de l’opinion est devenu un sujet brûlant à l’Elysée. Selon nos informations, la présidence de la République va signer dans les tout prochains jours une convention avec le Service d’information du gouvernement (SIG), qui dépend de Matignon, pour pouvoir commander par son intermédiaire des sondages sur l’image et l’action du chef de l’Etat. « La convention prévoit que l’Elysée demande au cabinet du Premier ministre de passer commande au SIG pour la réalisation d’études qualitatives ou quantitatives », confirme Philippe Guibert, nommé le 5 septembre à la tête du SIG. Un organisme gouvernemental dont la mission est de sonder le pays sur les réformes et d’engager des campagnes de communication. Quel budget y sera consacré? Crise oblige, M. Guibert promet « une pratique raisonnée et raisonnable » et « pas de dépenses excessives ». Et, à Matignon, on précise que les enquêtes qui seront diligentées à la demande de la présidence seront intégralement « remboursées » au SIG.
Il faut dire que le sujet est ultrasensible depuis les polémiques sur la facture « sondagière » du dernier quinquennat : 9,4 M€! Au printemps 2010, la Cour des comptes avait tapé du poing sur la table en découvrant que l’Elysée ponctionnait le budget du SIG pour sonder les Français sur Sarkozy. Le palais avait dû rembourser 369105 € au SIG, cessant dès lors d’avoir recours à ses services.
A vouloir rompre avec les mauvaises habitudes de son prédécesseur, Hollande s’est retrouvé dans une situation ubuesque : tandis que Matignon peut en théorie commander des sondages sur Jean-Marc Ayrault, l’Elysée en est réduit à éplucher les enquêtes publiées par la presse sur François Hollande. Aucun post-test par exemple n’a été acheté après l’intervention du président sur TF1 dimanche. Impensable du temps de Sarkozy… Patron du SIG de 2008 à 2010, Thierry Saussez sourit : « Une fois de plus, ils font des annonces pour faire le contraire de Sarkozy pour ensuite se rendre compte que c’était une erreur et revenir en arrière. Bienvenue sur terre, il est temps d’atterrir! » « Il n’y aura pas de frénésie de commandes de sondages sur Est-ce que Jean-Marc Ayrault est bien coiffé? Est-ce que le président a bonne mine? » rétorque Matignon, promettant une pratique « propre, claire et transparente ». Lundi, Ayrault recevra d’ailleurs le rapport qu’il a commandé à la Cour des comptes sur le passé du SIG…