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SERVIR WITTENHEIM SERVIR LA LIBERTE !!

J.M. Bockel : Mes inquiétudes sur la réforme de l'instruction

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Crédits photo : le Figaro

Le secrétaire d'État à la Justice ne veut pas fragiliser le travail des policiers.

Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la Justice, met en garde contre le climat de défiance suscité selon lui par le débat sur la garde à vue entre la justice et la police, qui menacerait la réforme de la procédure pénale.

LE FIGARO.- Vous mettez en garde contre le «mauvais climat» dans lequel se déroule actuellement le débat sur la garde à vue.

Jean-Marie BOCKEL. - La réforme de la garde à vue, et plus largement de l'instruction, ne peut pas passer si l'on continue ainsi d'opposer entre eux avocats, magistrats et policiers. Une réforme ne peut aboutir dans un tel climat. Je dis halte au feu ! Ce débat prend une mauvaise tournure ! Arrêtons d'opposer la «méchante police» à la «vertueuse» justice. Je vois bien sur le terrain que les attentes des citoyens sont encore importantes en matière de sécurité : tous les problèmes ne sont pas réglés. On ne peut pas se permettre de fragiliser le travail des policiers. L'ancien avocat que je suis n'est pas insensible pour autant, loin de là, à la préservation des libertés individuelles. Mais nous ne pouvons risquer de tomber dans l'écueil d'opposer les acteurs de la procédure pénale. Ce serait préjudiciable à la bonne collaboration entre les services de l'État. Je suis convaincu que Brice Hortefeux est très conscient de la nécessité de cette cohérence et de ce respect…

Voulez-vous dire que la ministre de la Justice y serait moins sensible ?

Je crois que l'on gagnerait à se parler plus entre les deux ministères. Assurément, un dialogue plus en amont serait utile. D'autant qu'aujourd'hui, il y a une véritable crispation sur les questions touchant à la sécurité.

À quoi attribuez-vous ce «mauvais climat» que vous dénoncez ?

Il y a une très forte médiatisation du sujet. Dans notre société, le moindre dysfonctionnement tend à devenir une généralité. Une partie des avocats est montée au créneau et une polémique est née sur le respect, en France, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en matière de garde à vue. Cette question déchaîne les passions… Loin de moi l'idée de sous-estimer l'importance de cette haute juridiction. Pourtant, je mets en garde sur le fait qu'il ne faut pas surinterpréter les dernières décisions de la Cour européenne. Ces magistrats n'ont jamais exigé que l'avocat soit présent tout au long de la garde à vue, au contraire de ce que certains prétendent. En l'état, ils imposent simplement que le recours à un avocat soit possible pendant la mesure, ce qui est bien le cas en France. Les avocats vont trop loin en exigeant d'être aux côtés de leurs clients de A à Z. Les temps ont changé, des gardes à vue sont filmées, et si des dérives peuvent toujours se produire exceptionnellement, on ne peut pas laisser planer une suspicion sur le travail des policiers. Cette attitude maximaliste peut être dangereuse.

Que voulez-vous dire ?

Je vois poindre un autre danger. Je ne voudrais pas que, demain, une justice à deux vitesses règne en France. Je ne voudrais pas que la réforme de la procédure pénale soit l'occasion de faire émerger chez nous un système où les justiciables les plus aisés seraient immanquablement les mieux défendus, trouvant sans difficulté un avocat pour défendre leurs intérêts à toute heure du jour et de la nuit, tandis que les moins fortunés seraient dépendants des aléas des services de permanence…

L'augmentation du budget de l'aide juridictionnelle, (qui finance l'accès à l'avocat pour les plus démunis) estimée actuellement par le gouvernement à près de 150 millions d'euros supplémentaires, vous paraît-elle suffisante pour écarter ce danger d'une «justice à deux vitesses» ?

La réforme que nous portons prévoit une augmentation des droits de la défense. Cela pose inévitablement la question de la hausse de l'enveloppe consacrée à l'aide juridictionnelle. Il ne faut pas se raconter d'histoire, cette augmentation ne sera pas financée par une contribution supplémentaire de l'État, qui consacre actuellement 300 millions d'euros par an en moyenne à l'aide juridictionnelle. Je suis ouvert à toutes les pistes de financement supplémentaires. Mais je pense qu'il faut garder à l'esprit le fait que la plupart des pays consacrent le double - voire plus - de notre enveloppe, c'est-à-dire au moins 600 millions…
Laurence de Charette le Figaro

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