Un socialiste peut-il devenir président dans une France de plus en plus à droite ?
Prenons les derniers sondages publiés par le Parisienconcernant les divers candidats au premier tour de la présidentielle : à droite, Sarkozy serait à 24 % des intentions de vote, Le Pen à 20, Bayrou à 13 et Villepin à 4, soit un total pour les candidats de la droite qui se monterait à 61 % des intentions de vote. Qu’observe-t-on dans le même temps à gauche : Hollande serait à 27 %, Mélenchon à 8 et Joly à 4, soit 39 % des intentions de vote pour les « gros » candidats de gauche. Quant à Boutin, Chevènement, Dupont-Aignan, Lepage, Morin, Poutou, ils stagnent entre 0 et 1 %. Pour résumer, 60 % en faveur des candidats de droite contre 40 % en faveur des candidats de gauche, tel est le défi auquel se trouvent confrontés ces derniers et ceux qui les soutiennent.
La France est, sociologiquement, de plus en plus à droite : la population âgée croît rapidement, or les « séniors » votent en grand nombre, et en grand nombre à droite ; les jeunes, eux, qui pourraient avoir une préférence plus marquée pour la gauche, ne votent souvent pas, et leur inscription sur les listes électorales pour les prochaines échéances ne semble pas avoir été aussi dynamique qu’en 2007. Enfin, les classes populaires – ouvriers et employés – qui ont préféré Sarkozy à Royal en 2007, et qui représentent encore 50 % environ de la population si on y ajoute les ouvriers et employés à la retraite, semblent, jusqu’à présent, davantage séduits par Marine Le Pen que par Jean-Luc Mélenchon ; et les enquêtes à leur sujet ne laissent pas présager d’une nette préférence pour François Hollande par rapport à François Bayrou et Nicolas Sarkozy.
Politiquement, on observe également une droitisation des partis : l’UMP s’est rapprochée du Front National, le PS a glissé vers le centre (d’aucuns diront « vers la droite »), Bayrou incarne la (plutôt conservatrice) démocratie chrétienne d’hier, et le Parti de gauche, qui paraît, à certains, un parti extrémiste, défend, en réalité, la social-démocratie de l’après-guerre : son candidat n’appelle pas à la révolution et demeure un parlementariste.
Face à cette France de plus en plus à droite, la question est de savoir si et à quelles conditions un candidat ou une candidate se réclamant de la gauche peut remporter l’élection présidentielle.
C’est à cette réalité politique et sociale qu’il faut mesurer, me semble-t-il, les stratégies, les programmes et les postures d’un Hollande et d’un Mélenchon. Croire que dans un spectre politique aussi profondément décalé vers le bleu (le « blueshift », dirait-on en physique), un candidat se réclamant radicalement du « rouge », comme Jean-Luc Mélenchon, pourrait être au second tour me semble relever, à tout le moins, d’un pari pas forcément pascalien ; car si cet espoir est sans aucun doute l’expression d’une foi, celle-ci paraît fort peu raisonnable eu égard aux rapports de force politiques actuels.
La posture d’un Hollande, en revanche, qui semble, dès le premier tour, regarder du côté des électeurs du centre apparaît plus en phase avec cette réalité, même s’il n’est évidemment pas certain que cette stratégie soit gagnante : ne dit-on pas, en effet (et les faits semblent l’attester), qu’il faut, au premier tour, rassembler son camp, avant, au second, de séduire les indécis du camp adverse ?
On voit ainsi que l’équation est loin d’être simple pour les candidats dits de gauche, et que leur victoire relève, sinon du miracle, du moins d’un véritable défi à l’orientation politique dominante du pays.