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10 Février 2016
PAR MARC VIGNAUD
artine Aubry avait prévenu François Hollande lors d'un débat télévisé organisé dans le cadre de la primaire du PS, en 2011 : « Le contrat de génération [...], c'est un effet d'aubaine pour les entreprises. » La maire de Lille avait raison.
« Le contrat de génération bénéficie prioritairement à des jeunes relativement qualifiés et déjà présents dans les entreprises », constate aujourd'hui la Cour des comptes dans son rapport public annuel 2016. Deux tiers des jeunes embauchés en CDI dans le cadre d'une des mesures phares de la campagne de François Hollande avaient déjà un travail. Si bien que « son effet sur l'emploi apparaît comme pratiquement négligeable ».
Mais ce n'est pas la seule raison pour laquelle le contrat de génération, conçu pour encourager le recrutement de jeunes de moins de 26 ans parallèlement à l'embauche ou le maintien de seniors dans l'entreprise, est un flop retentissant.
Qu'on en juge. Fin juillet 2015, seuls 40 300 contrats avaient été signés, contre un objectif de 220 000 à cette date et 500 000 d'ici à la fin du quinquennat… En cause, un dispositif « peu lisible » et « complexe à mettre en œuvre », dénoncent les magistrats de la Rue Cambon.
L'échec du contrat de génération, c'est d'abord l'échec du paritarisme. Les partenaires sociaux, qui avaient réclamé le droit d'en négocier les conditions de mise en œuvre au niveau national, ont une nouvelle fois échoué à accoucher d'un dispositif attractif pour les entreprises. Et ce, malgré une aide financière de l'État de 4 000 euros pendant trois ans.
« Un an après l'adoption de la loi du 1er mars 2013, alors que le délai de sept mois imparti à la négociation collective était largement écoulé, près de 50 % des effectifs des entreprises ou groupes de plus de 300 salariés et plus de 60 % des effectifs des entreprises de 50 à 300 salariés n'étaient pas couverts par un texte relatif au contrat de génération », constate la Cour. Bref, les entreprises ne s'en sont pas emparées.
Comme souvent, elles ont perçu le dispositif comme une contrainte plutôt que comme une opportunité. Pour les sociétés de plus de 50 salariés, sa mise en place dépendait d'« une négociation préalable et obligatoire sous peine de pénalité ». Un thème qui s'ajoutait aux nombreuses autres obligations de négocier (sur l'emploi durable des jeunes et des seniors, la transmission des compétences, l'égalité professionnelle, etc.).
La menace d'une sanction financière de 1 % de la masse salariale en cas de non-recours dans les entreprises de plus de 300 salariés – qui n'ont pas eu droit à l'aide de 4 000 euros – n'a pas changé la donne, puisqu'elle n'a quasiment jamais été appliquée par l'administration. Et ce, malgré un « constat de carence manifeste ».
Soyons juste, le recours aux contrats de génération a sans doute été freiné par la mauvaise conjoncture économique : quand les carnets de commandes sont vides, une aide financière ne suffit pas pour décider d'une embauche…
Il n'empêche. Les entreprises qui ont eu recours au contrat de génération ont souvent détourné l'esprit du dispositif. « Les accords ont souvent renoncé au principe d'un binôme effectif entre un jeune et un senior, ce qui constituait pourtant le fondement même du contrat de génération, pour privilégier un appariement purement statistique entre des jeunes et des seniors sans liens professionnels et affectés sur des implantations éloignées les unes des autres. […] Certains accords frôlent même le paradoxe, comme ceux qui favorisent les départs précoces des seniors », déplorent les magistrats de la Rue Cambon.
Sauf à appliquer d'urgence une simplification drastique du contrat de génération – plusieurs tentatives se sont jusqu'ici révélées inefficaces –, la Cour des comptes recommande donc « son extinction au profit de dispositifs plus efficaces »